Blancheur capillaire
Aujourd’hui, nous allons évoquer un sujet de fond. Enfin, tout est relatif, hein ! On ne va pas régler le conflit israélo-palestinien ni débattre de la nécessité de doter la France d’un programme nucléaire civil ambitieux.
Mais comme à mon habitude, je vous laisse juge.
Alors que je me préparais bien sagement à rédiger mon prochain billet radio, une petite mèche rebelle d’une blondeur albâtre est venue me chatouiller les narines, me plongeant dans une réflexion aérienne sur nos cheveux blancs, ces herbes folles de la fatalité.
Dieu, vraiment ?
Je sais bien que, physiologiquement, les cheveux deviennent blancs à cause de la diminution de la mélanine. Ok, dont acte.
Mais sinon ? Celui, celle ou ce qui a façonné notre univers n’aurait-il pas pu se dire : « J’y suis peut-être allé un peu fort entre les catastrophes naturelles, les moustiques, les chemisettes à carreaux et la propension des hommes à se buter les uns les autres alors, je vais leur épargner les affres de la décrépitude ! En vieillissant, ils deviendront des êtres merveilleux, beaux comme des camions ! ». Non, forcément…
Voilà d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je ne crois pas en l’existence d’un dieu créateur. Parce que s’il fallait vraiment considérer qu’il existât une force supérieure, j’aurais tendance à penser qu’il s’agirait d’un vieux machin aigri à l’esprit de chicane, grand amateur de chaînes d’info en continu et de commentaires anonymes sur les forums de jeux vidéo.
Voilà pour la parenthèse théologique. Revenons à nos moutons : les cheveux blancs.
Telle l’étudiante studieuse en droit que je n’étais assurément pas, posons la problématique et tentons d’y répondre sans s’embarrasser d’un plan académico-juridique en 2 parties et 2 sous-parties :
Cheveux blancs : signe de l’âge ou peur panique du déclin ?
Je regardais tantôt une vidéo de la chanteuse Lio qui expliquait en substance, que la peur de vieillir des femmes - et en particulier le rejet des fameux cheveux blancs - était liée au regard masculin que la société patriarcale porte sur elles.
Vrai ou faux, je ne sais pas. L’idée n’est pas ici de dénier le constat qu’elle fait mais de gloser avec légèreté sur le fait de savoir si le rejet des cheveux blancs pourrait également venir d’un autre symptôme de notre société sous stéroïdes, le tout, à partir d’une étude totalement empirique et pifométrique : l’observation de mes proches.
Allons-y Francky !
Peur de vieillir !
Lorsque je regarde Charmant CEO, je le trouve de plus en plus beau le temps passant ; comme si ses quelques rides et ses cheveux grisonnants — pardon : « poivre et sel » — soulignaient encore plus ses traits et mettaient en valeur ses beaux yeux. (Yes, ladies, this man is beautiful !).
Et pourtant, quand je lui demande son avis sur ses cheveux blancs, la discussion est impossible : « Quels cheveux blancs ? Retourne à ta prose et laisse-moi tranquille ! ». Circulez, y a rien à voir. Preuve que c’est aussi un problème pour lui et ça, Madame, c’est pas la faute au patriarcat.
J’ai tenté d’interroger quelques potes au long cours sur le rapport qu’ils entretiennent avec leurs cheveux blancs ou leur calvitie naissante. Mais il semblerait que mes fulgurances de génie contrarié ne méritassent pas que je mette en péril de longues années d’amitié.
J’ai voulu échanger de façon respectueuse, analytique et douce avec mon frère, grand connaisseur du sujet mais, le bougre s’est montré plus direct que mes amis et a menacé de tout raconter pour la voiture dans le fossé à l’été 2002. Je n’ai donc pas insisté. Mais faudra pas qu’il s’étonne que le monde sache qu’il pleurait devant Bouba (le dessin animé, hein, pas le rappeur. Quoique…)
Bref ! Puisque dialoguer est peine perdue, supputons.
Si les hommes se sentent affectés par les cheveux blancs, c’est donc bien que ce n’est pas — uniquement — une question de genre. Serait-ce alors une question de… performance ?
Vieillir, ce n’est pas seulement perdre de la fermeté ou de la pigmentation, c’est risquer de devenir invisible, inefficace, obsolète. Et dans un monde où l’on vous demande sans cesse d’en faire plus, d’être plus, de montrer que vous en avez encore sous le capot — dans votre job, dans votre lit, dans votre couple, dans vos baskets — les cheveux blancs, c’est un peu comme des warnings : « Attention, fin de validité approchante ». Sauf que nous ne sommes pas dans Mario Bros : il n’y aura pas 3 nouvelles vies après le Game Over…
Question subsidiaire : serait-ce donc pour ça qu’autour de moi tout plein de quarantenaires s’enfonçant doucement vers la cinquantaine enfilent un casque, un shorty moulant à bretelles et des chaussures automatiques pour enquiller tours de lacs et dénivelés sur leur bicyclette avec capteur de puissance hors de prix ?
Silver power… ou pas
À l’opposé, une de mes amies a décidé d’abandonner les teintures capillaires car ses cheveux blancs revenaient tellement vite qu’elle ne suivait plus le rythme. Elle a donc pris la décision radicale d’assumer une chevelure immaculée. De son aveu, les premiers mois n’ont pas été faciles. La peur du regard des autres, son propre regard (forcément) impitoyable et puis un jour, elle s’y est fait.
Et vous savez quoi ? Moi, je la trouve superbe, avec un style à la fois chic et rock qui n’appartient qu’à elle. Si c’est pas un beau pied de nez au patriarcat, ça !
Quant à moi, j’ai choisi d’être dans le pur déni : ces quelques cheveux blancs sont une réminiscence de la blondeur de ma prime enfance. Ni plus ni moins. Parce qu’ils me balancent trop brutalement dans la tête le temps qui passe. Parce que si les cheveux déclinent, le reste va suivre d’ici peu. Parce que, ajoutés aux rides et à un début de presbytie, ça fait un package un peu trop gros… d’autant que je n’avais rien demandé, moi !
Et là où la sagesse commanderait d’accepter le temps qui passe, bah je préfère opposer une réaction plus terre-à-terre : « Rien à carrer de la sagesse, cassez-vous d’là, bande d’ectoplasmes » !